François Dauriat

Photo prise par Alfredo Monge-Racho

Si tu devais te décrire en quelques mots: (d’où viens-tu, qui es-tu, que fais-tu?)

Je suis originaire du Sud-Ouest de la France. Du Périgord, pour être précis. Je suis administrateur à la Commission Européenne, actuellement en disponibilité. 

A quoi ont ressemblé tes premiers pas à Bruxelles ?

Je suis arrivé il y a 11 ans. Je me souviens d’une journée passée avec un agent immobilier qui « ne savait pas me rappeler avant 17h », et qui répétait « ça va » et « c’est gai ! ». Et de m’être dit « ce type est vraiment super original … »

Plus sérieusement, en ayant vécu à Paris et à Londres, j’ai d’abord eu l’impression d’une ville triste, vide, ennuyeuse, mal organisée…J’étais catastrophé !

Et progressivement, j’ai commencé à découvrir ses quartiers, ses rythmes, sa diversité, sa convivialité et même sa poésie… Aujourd’hui, c’est une ville que j’adore. Je n’imagine pas vivre ailleurs.

As-tu eu un déclic de l’engagement dans ta vie et si oui lequel ?

Je pense que c’est vraiment une question de déclic en effet.

Ça peut venir d’une émotion, d’un événement, d’une histoire personnelle qui te rapproche d’une cause ou d’une autre, et te donne envie d’agir. Mais j’ai l’impression que c’est relativement minoritaire.

En fait, très souvent, l’engagement vient de la rencontre entre une organisation et un individu. Mais cette rencontre se fait mal. Combien de gens ont eu au moins une fois dans leur vie l’envie de s’engager ? Et combien s’engagent finalement ?

Je crois que c’est vraiment l’un des enjeux de votre projet EUPATRIA : comprendre et lever les freins entre l’envie latente de s’engager, très répandue à mon avis, et l’engagement effectif.

Dans mon cas, cela s’est fait en deux temps. Je suis devenu membre de la fondation philanthropique EPIC. EPIC m’a fait rencontrer DUO. Progressivement, on a vu qu’on pouvait faire des choses ensemble et j’ai fini par rejoindre l’équipe. 

Aujourd’hui, quelle est la cause / l’association pour laquelle tu t’engages ? 

DUO for a JOB est une association qui a été créée en 2013 en partant d’un constat simple qu’on peut dresser dans la plupart des métropoles urbaines en Europe.

D’un côté, les jeunes immigrés d’origine non européenne, réfugiés ou arrivés par le regroupement familial, sont confrontés à des barrières fortes pour entrer sur le marché du travail. Les discriminations restent élevées et sont aggravées par d’autres facteurs.

De l’autre, le potentiel des personnes de plus de 50 ans est largement ignoré. Elles sont souvent victimes de clichés et on a tendance à les pousser vers l’inactivité en leur proposant très peu d’opportunités de véritablement valoriser leur expérience et leurs talents. C’est un immense gâchis.

De là est née l’idée de créer un programme de mentorat qui permet à des jeunes d’origine immigrée non Européenne, très souvent primo-arrivants, d’être accompagnés dans leur recherche d’emploi par des personnes de plus de 50 ans. 

Le programme est intense, structuré, très pro et très efficace.

Et au-delà de ses effets sur l’emploi des jeunes et l’épanouissement des mentors, toute sa beauté, à mes yeux, est de rassembler des personnes de quartiers, d’âges, d’origines et de profils différents autour d’une expérience forte et positive. On crée des liens humains qui font reculer les discriminations, les clichés, rapprochent les gens et apportent un peu de confiance et de bienveillance dans les villes.

On dit souvent qu’on vit dans un monde de réseaux sociaux. Je trouve que DUO a réussi là où Facebook et twitter ont échoué. C’est-à-dire créer un espace où les gens se rencontrent vraiment, apprennent, agissent et créent réellement un monde plus ouvert ! 

Quel est ton rôle, que fais-tu pour elle?

Je suis responsable partenariats, avec un focus sur notre développement en France.

DUO a beaucoup grandi en Belgique et se tourne maintenant vers la France. On a une équipe formidable à Paris et on ouvrira bientôt le programme à Lille avant de le proposer dans d’autres grandes villes de France.

Mon rôle est de faire connaître le projet à tous les acteurs qui peuvent aider à son développement, qu’il s’agisse de fondations, d’entreprises ou des pouvoirs publics, et de nouer avec ces acteurs des partenariats, idéalement financiers, mais tout est bon à prendre tant qu’on rend plus de mentees et de mentors heureux ! 

Qu’est-ce que cet engagement t’apporte ?

J’ai un immense plaisir à travailler dans le cadre d’un projet en développement, franchement enthousiasmant, avec une équipe très pro et super motivée.  Je sors de mes cercles professionnels et personnels « naturels ». Je m’enrichis à travers d’autres façons de penser et d’agir. Je vois la finalité humaine de ce que je fais et elle me touche.

Comment concilier un engagement personnel fort dans des vies déjà bien remplies?

Avec du café !

Que dirais-tu à d’autres personnes pour qu’elles s’engagent à leur tour? 

Qu’elles n’aient pas peur de pousser les portes, de rencontrer des gens, de proposer, d’essayer, d’être à l’écoute. Il y a des besoins, des projets et des personnes motivées partout ! Il ne faut pas que ce soit le premier pas qui prenne le plus de temps !

S’il fallait aujourd’hui résumer ta vision de Bruxelles, en tant que bruxellois.e :

Je le ferais avec les mots d’Éric Emmanuel Schmitt : « Paris vous rend parisien et Londres londonien, Bruxelles ne vous rendra pas bruxellois, elle vous permettra d’être vous-même »

Et la question pour le plaisir : si tu devais nous donner ton lieu coup de coeur à Bruxelles (que ce soit un parc, un café, un bar, un musée…)?

Le restaurant que j’adore, c’est “Les fils à maman”, à Châtelain. Pour la décoration pleine de souvenirs pour un enfant de la télé…et pour leur dessert au carambar…!