
Si tu devais te décrire en quelques mots: (d’où viens-tu, qui es-tu, que fais-tu?)
Je suis Lise, une jeune femme urbaine, j’ai 34 ans ! Je viens de Toulouse en France et j’habite à Bruxelles depuis février 2012. Je travaille au Parlement européen comme conseillère politique d’une eurodéputée.
A quoi ont ressemblé tes premiers pas à Bruxelles ?
Je suis venue à Bruxelles il y a 9 ans pour un stage à la Commission européenne.
Dans l’avion que j’ai pris pour arriver ici, je m’excuse auprès d’une dame parce que je bloque le passage. Elle me dit super gentiment, presque surprise “Ah non non mais y’a aucun problème!”.
Juste après, je lis un guide de voyage sur Bruxelles qui dit:
Il y a une différence sur le mot “cool” entre la France et Belgique : en France, le mot “cool” veut dire stylé, branché, “hype”, alors que “cool” à Bruxelles veut dire sympa, gentil.
Ces deux anecdotes font selon moi sens entre elles.
As-tu eu un déclic de l’engagement dans ta vie et si oui lequel ?
Il y a plusieurs choses, un peu dans le désordre.
Mon déclic de l’engagement politique au sein d’un parti a été le mariage pour tous (loi en France en 2013 autorisant le mariage de personnes de même sexe) et surtout la réaction au mariage pour tous. Mais avant cela aussi, le passage de Jean-Marie Le Pen (du Parti français d’extrême-droite, Le Front National) aux élections présidentielles en 2002, qui a été assez fondateur, ou encore les luttes estudiantines du début des années 2000.
Après, il y a toujours eu en moi cette envie politique, au sens de “vie de la cité”, à avoir son mot à dire sur les choses. C’est d’avoir le réflexe, quand ça ne va pas, de se demander : “Qu’est-ce qu’on fait pour que ça aille ?”. Bon, cela vient avec un tempérament très râleur quand même ! (rires) Mais j’essaye de faire en sorte que ça ne reste pas que des paroles. Par exemple, dans mon quartier, il y a des travaux, des problèmes de propreté, alors je vais me mobiliser pour que cela change.
Aujourd’hui, quelle est la cause / l’association pour laquelle tu t’engages ?
Cela fait 5 ans quasiment jour pour jour que je suis volontaire à la Croix Rouge, pour la section locale de Forest. J’ai profité d’une pause professionnelle pour commencer à m’y engager. J’ai d’abord suivi une formation aux premiers secours, et cela m’a ouvert la porte à d’autres activités. Peu à peu j’ai fait des maraudes.
Donc la cause pour laquelle je m’engage est la lutte contre le sans-abrisme, grâce au soutien de première nécessité aux personnes sans-abri ou aux personnes en grande précarité qui sont dans la rue.
Dans mon engagement associatif, je voulais l’action directe. Avec toutes les limites que cela comporte: on ne sort pas les gens de la rue, on ne leur permet pas vraiment de reprendre pied. Mais tu as faim : on te donne à manger. Tu as besoin de parler : on parle. Tu as un bobo : je te soigne. Ce côté immédiat du besoin et de la réponse.
Quel est ton rôle, que fais-tu pour elle?
J’ai commencé comme volontaire et cela va faire 3 ans que je suis co-responsable d’activités du Département sans-abrisme à Forest (avec 3 autres personnes, qui sont d’ailleurs aussi dans la sphère européenne !). Il y a deux activités : les maraudes ainsi que les permanences de soin et d’écoute dans un refuge d’accueil de nuit (à Pierre d’Angle).
Mon rôle est de coordonner ces activités : les organiser, apporter le soutien logistique, recruter des volontaires, mais aussi les mobiliser, les former, les accompagner. Je sollicite des gens pour trouver des produits alimentaires, je fais des collectes de vêtements, des collectes d’invendus etc. En gros, je dois m’assurer que, quand les gens arrivent le vendredi pour une maraude, tout soit prêt !
Je tiens à préciser le côté collectif de cette organisation, je ne fais pas tout toute seule !
Une maraude est une tournée en rue, avec un itinéraire qui est établi en fonction des points où sont les personnes sans-abri – surtout le Parvis de St Gilles et la Gare du midi. Les maraudes sont le vendredi : il y a un temps de 15h à 18h où les gens préparent la maraude (faire chauffer le café, préparer les tartines, la camionnette, les sacs de vêtements, les kits d’hygiène etc) et le deuxième vers 18h. Là on part en maraude, il y a à la fois un point de distribution où les gens viennent à nous (pour la soupe, le café, le thé, les sandwichs, des produits d’hygiène, des vêtements, des sous-vêtements, de l’eau etc) et une équipe qui va à eux.
Qu’est-ce que cet engagement t’apporte ?
Un de mes volontaires avait dit : “En maraude, on reçoit plus qu’on ne donne”. On fait des maraudes dans la perspective de subvenir à des besoins mais ce qu’on a en retour est beaucoup plus gratifiant. A la fois des échanges agréables et chaleureux, tant avec les bénéficiaires qu’avec l’équipe sur le terrain, malgré les difficultés et le contexte qui n’est pas facile.
De manière plus générale, mon investissement m’a permis de rencontrer de chouettes personnes. L’associatif, surtout à la Croix Rouge, ce sont des gens qui viennent de milieux, d’origines ou avec des personnalités très différentes. On fait certes du bénévolat pour la cause, mais on y retourne parce qu’on s’entend bien avec les gens !
C’est aussi par rapport à mon travail des actions beaucoup plus concrètes. Je suis beaucoup plus sur de l’opérationnel.
Comment concilier un engagement personnel fort dans des vies déjà bien remplies?
(Rires) Beaucoup d’organisation et du multi-tâches !
Après, c’est un choix. Faire une maraude, ça veut dire qu’on dit non à un apéro, à voir des amis…mais c’est complètement conciliable. Et on peut toujours aller boire une bière après une maraude !
Que dirais-tu à d’autres personnes pour qu’elles s’engagent à leur tour?
Essayez ! On a toujours plein d’envies mais on ne peut pas savoir à l’avance si telle ou telle chose sera pour nous. Ce qui est le plus difficile c’est de pousser la porte la 1ère fois, d’arriver, de ne connaître personne.
Mais justement, à la Croix rouge, on propose aux volontaires de venir à deux maraudes en observation avant de s’engager. Et on ne va pas les abandonner, on les accompagne, on leur donne accès à des formations etc. On s’épaule, on fait des débriefings, on se soutient.
Je leur dirais aussi que le bénévolat est multiple, qu’il a plusieurs formes et qu’il est flexible en termes d’horaires. Dépanner, faire des courses… Ou rien que d’en parler autour de vous…ça aide !
Enfin, il n’y a pas d’engagement idéal: ce sont avant tout plein de bonnes volontés qui s’assemblent et qui permettent de faire quelque chose de bon !
S’il fallait aujourd’hui résumer ta vision de Bruxelles, en tant que bruxellois.e :
Je me décrirais comme “inscrite dans sa ville et dans les difficultés de sa ville, dont sa grande précarité”.
Si je devais décrire Bruxelles: sachant que c’est la ville la plus cosmopolite d’Europe, je dirais que c’est “le monde” au centre de l’Europe, “le monde” dans une ville, , avec du coup une identité d’ouverture très forte. Mais aussi des fêlures du fait de son organisation administrative, des fêlures au niveau social, des divisions entre régions. En fait, Bruxelles, c’est la mal aimée de la Belgique et très aimée de ces habitant.e.s !
Enfin, Bruxelles est à tout le monde : je ne me sentirais jamais belge mais je me sens bruxelloise.
Et la question pour le plaisir : si tu devais nous donner ton lieu coup de coeur à Bruxelles (que ce soit un parc, un café, un bar, un musée…)?
- Durant le confinement : le long du canal à Anderlecht mais aussi ma section Croix rouge, qui a été / est mon refuge.
- Hors confinement : le parvis de saint gilles, avec des ami.e.s, à boire des coups